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Les scientifiqures Lorrains

par chez arthur 6 Février 2012, 12:33 Lorraine

Pierre Jacques Antoine Béchamp,

 

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 né le 15 octobre 1816 à Bassing (Moselle) et mort le 15 avril 1908 à Paris, était docteur en sciences, en médecine et en chimie et diplômé en pharmacie. Il est l'auteur d'une théorie sur les « microzymas » (terme précurseur pour microbe).
 
À la suite de travaux expérimentaux et d'observations, il revendique la découverte que toute cellule animale ou végétale serait constituée de petites particules capables, sous certaines conditions, d'évoluer pour former des bactéries qui continueraient à vivre après la mort de la cellule dont elles proviendraient. Béchamp appela ces petits éléments autonomes « microzymas ».
 
Ces thèses, dès l'époque de Béchamp, furent toujours très minoritaires parmi les scientifiques. Jules Tissot, professeur de physiologie générale au Muséum d'Histoire Naturelle, pensa les confirmer par des photographies de haute précision de cellules végétales et animales. Pour Tissot comme pour Béchamp (et contrairement aux idées de la majorité des scientifiques) les organismes vivants, quand ils se dérèglent, produiraient eux-mêmes bactéries pathogènes et virus. En l'état actuel de la recherche, les tenants de cette thèse se trouvent chez un certain nombre de thérapeutes des médecines parallèles comme Hulda Regehr Clark et Tamara Lebedewa. Le zoologue et entomologue allemand Günther Enderlein (1872-1968) se fonda également sur les travaux de Béchamp quand il introduisit l'hypothèse d'un pléomorphisme des bactéries1.
 
Béchamp fut contemporain de Louis Pasteur qu'il accuse d'avoir repris ses propres théories en dénaturant leur sens profond et d'avoir ainsi orienté la médecine dans une forme d'impasse. Il ne craint pas d'affirmer en réponse à un collègue, le docteur Vitteaut : « Je suis le précurseur de Pasteur, exactement comme le volé est le précurseur de la fortune du voleur heureux et insolent qui le nargue et le calomnie2. »


Antoine Béchamp est né3 en Lorraine d'un père meunier. Alors qu'Antoine est âgé de onze ans,un oncle maternel, consul à Bucarest, remarque le potentiel de l'enfant et obtient des parents que leur fils l'accompagne à Bucarest pour y faire ses premières études qu'il fera en roumain et en utilisant l'alphabet cyrillique . Au décès de son oncle en 1834,il retourne en France avec le titre de maître en pharmacie acquis chez Maüsel . Il doit réapprendre sa langue maternelle ainsi que l'alphabet latin tout en travaillant dans une pharmacie de Benfeld .
 
Il s’inscrit à l’École supérieure de pharmacie de Strasbourg, ville où il ouvre une officine en 1843. Il se marrie , après sept ans de fiançailles, avec Mlle Clémentine Mertian ,fille d'un négociant de tabac et de betterave .Peu après son mariage il retourne à Strasbourg .Agrégé en 1851 de l'Ecole de Stasbourg, il y enseigne la chimie ,la physique et la toxicologie jusqu'en 1856 date à laquelle il est nommé professeur de chimie médicale et de pharmacie à la faculté de Médecine de Montpellier. Il y enseignera pendant vingt ans tout en poursuivant des recherches sur la pébrine , la fermentation du vin et la transformation des sucres par les moisissures. Son fils aîné ,Joseph , prend part à ses travaux . En 1876, Antoine Béchamp devient le premier doyen de la faculté libre de médecine de Lille (Histoire de la faculté libre de médecine de Lille), où ses travaux rencontrent l'hostilité des autorités ecclésiastiques . À la suite des démêlés qui l'opposent à Louis Pasteur à partir de 1881, il doit quitter son poste en 1888 . Son fils fit de même. Il achète alors une pharmacie au Havre, ville d'origine de la femme de Joseph .Ce dernier décédé, Béchamp gagne Paris où il continue ses expériences dans un laboratoire de la Sorbonne mis à sa disposition par un de ses amis , Charles Friedel .Il y travaillera jusqu'en 1899 .Il meurt le 15 avril 1908 à Paris .

Un médecin américain ,Montague Leverson , qui avait rencontré Béchamp - et assisté à ses funérailles - en fut le premier traducteur en anglais : en 1912 il fit paraître à Londres The Blood and its Third Anatomical Element. Avec Leverson , Ethel Douglas Hume fit paraître en 1923 à Londres Béchamp or Pasteur ? . Le 18 septembre 1827 le Pr. Guermonprez inaugure une statue de Béchamp à Bassing .
 
Le Centre international de recherches Antoine Béchamp (CIRAB) assure le suivi de son œuvre pour les générations futures4.

Titres et distinctions5
 Diplômé en pharmacie
 Docteur en sciences
 Docteur en médecine
 Professeur de chimie médicale et pharmaceutique à la Faculté de médecine de Montpellier
 Membre et professeur de physique et de toxicologie à l'École supérieure de Pharmacie de Strasbourg
 Professeur de chimie de la même ville
 Membre correspondant de l'Académie impériale de médecine de France et de la Société de pharmacie de Paris
 Membre de la Société d'agriculture de l'Hérault et de la Société linnéenne du département du Maine-et-Loire
 Médaille d'or de la Société industrielle de Mulhouse pour la découverte d'un procédé de fabrication industrielle à bon marché de l'aniline et de plusieurs couleurs dérivées de cette substance
 Médaille d'argent du Comité de recherches historiques et des sociétés savantes pour des ouvrages sur la production du vin
 Professeur de chimie biologique et doyen de la Faculté catholique de médecine et de pharmacie de Lille
 Officier de l'instruction publique
 Chevalier de la Légion d'honneur
 Commandeur de la Rose du Brésil


Antoine Béchamp et la théorie du microzyma
 
Pour Béchamp, l'erreur des « biologistes » de son époque aurait été d'étudier la vie en observant la « mort » car les tissus sont préalablement :
 fixés (donc tués) par un bain de formol + acide,
 déshydratés totalement (alcool),
 dégraissés (toluène ou trichloréthylène),
 inclus dans de la paraffine, du plastique ou congelés,
 coupés en tranches ultrafines = dilacérés, fripés,
 chauffés,
 baignés à nouveau dans le toluène ou trichloréthylène,
 réhydratés artificiellement,
 mordancés (bains dans de l’acide),
 colorés, etc.
 
Selon Béchamp, l’unité de base de toute vie organique serait le « microzyma ». Selon Béchamp, le microzyma est capable de se reproduire.
 Il aurait son métabolisme propre.
 Il serait capable de fermenter et transformer certaines substances.
 Il serait capable de bâtir des tissus fibreux, membraneux, etc.
 Il serait capable de construire des germes ou mycèles (comme le bacille de Koch) pour effectuer certains travaux particuliers.
 
Pour la médecine scientifique, les microzymas n'existent pas. Selon Louis Pasteur, la cellule est aseptique. Il n’y a pas de germes dans l’intimité des organismes vivants complexes à l’état normal, thèse confirmée par la médecine moderne.
 
Sur base de la lecture des travaux de Béchamp, on peut dire que celui-ci n'est pas défenseur de la « génération spontanée ». Le mot microzyma a été remplacé par le mot microbe (terme inventé par le chirurgien Sédillot). On peut même dire que le microzyma est l'ancêtre linguistique du mot microbe... (voir citation) 6

Les maladies des vers à soie
 
Trois maladies des vers à soie sont à distinguer : la pébrine, la muscardine, la flacherie.

 
Article détaillé : maladies des vers à soie.
 
Historique des recherches d'Antoine Béchamp sur les maladies des vers à soie
 
1865
 
Le sénateur du Gard Jean-Baptiste Dumas, le célèbre chimiste de l’époque, envoie Louis Pasteur étudier la maladie des vers à soie (pébrine, appelée aussi « la nouvelle maladie ») : dans le Midi, pays d'origine de Dumas, l'industrie du ver à soie est menacée par cette « nouvelle maladie ». Il propose à Pasteur d'étudier celle-ci. Pasteur objecte qu'il n'a jamais vu de ver à soie et qu'il ne connaît rien sur le sujet11,12,13. Dumas lui répond : « Tant mieux, vous n'avez pas d'idées préconçues14. »
 
Le 6 juin 1865, Antoine Béchamp fait une communication à la Société centrale d’agriculture de l’Hérault 15. D’emblée, il suppose que la pébrine est parasitaire.
 
Le jour de la communication de Béchamp devant la Société centrale d’agriculture de l’Hérault, Pasteur part pour Alais (ancien nom pour Alès). Il est payé par le gouvernement français de l’époque pour étudier la pébrine.
 
Quant à Jean-Baptiste Dumas, il écrit dans un rapport au Sénat de l’Empire, le 9 juin 1865 : « La maladie du ver s’observe à toutes les phases de la vie : œuf, ver, chrysalide, papillon, elle peut se manifester dans tous les organes. D’où vient la maladie ? On l’ignore. Comment s’inocule-t-elle ?… On ne le sait… » 16.
 
Le 25 septembre 1865, Louis Pasteur fait une communication sur la maladie des vers à soie à l’Académie des sciences17. L’article reprend et résume essentiellement les travaux de ses prédécesseurs Quatrefages, Cornalia et Ciccone.
 
Il reprend l’opinion émise par Ciccone en écrivant : « les corpuscules ne sont ni des animaux, ni des végétaux, mais des corps plus ou moins analogues aux granulations des cellules cancéreuses ou des tubercules pulmonaires. Au point de vue d’une classification méthodique, ils devraient être rangés plutôt à côté des globules de pus, ou des globules du sang, ou mieux encore des granules d’amidon, qu’auprès des infusoires ou des moisissures » 18.
 
Pour Pasteur, les vers à soie sont malades parce qu’ils n’ont pas une bonne constitution (sic) : « Si l'on réunissait dans un même lieu une foule d’enfants nés de parents malades de la phtisie pulmonaire, ils grandiraient plus ou moins maladifs, mais ne montreraient qu’à des degrés et à des âges divers les tubercules pulmonaires, signe certain de leur mauvaise constitution. Les choses se passent à peu près de même pour les vers à soie » 19.
 
1866
 
Le 17 juin 1866, Antoine Béchamp publie une note sur la pébrine dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences 20. Son article commence ainsi : « J’admets que la maladie des vers à soie, qui fait des ravages depuis plusieurs années est parasitaire. La pébrine, selon moi, attaque d’abord le ver par le dehors, et c’est de l’air que viennent les germes du parasite. La maladie, en un mot, n’est pas primitivement constitutionnelle » 21. Dans cet article du 17 juin 1866, Béchamp confirme donc ses déclarations de l’année précédente : il réaffirme que la pébrine est une maladie parasitaire, que l’attaque du ver vient du dehors, et que les germes du parasite viennent de l’air (il n’est donc pas partisan de la « génération spontanée »).
 
À cette époque, Louis Pasteur persiste à croire la pébrine constitutionnelle et non parasitaire…
 
Pour combattre cette maladie parasitaire, Béchamp recommande l’emploi de la créosote, connue comme puissant antiseptique par la présence de phénol et de crésol qu’elle contient. Il affirme l’action et l’innocuité de la créosote sur le ver à soie. Ses résultats ne semblent toutefois pas avoir été confirmés22.
 
Le 26 juin 1866, Louis Pasteur fait un exposé au Comice agricole d’Alais, réuni en séance extraordinaire23. Les observations de Pasteur exposées devant ce Comice agricole sont reprises dans la note lue par lui-même à l’Académie le 23 juillet 186624. On y lit, entre autres : « Je suis très porté à croire qu’il n’existe pas de maladie actuelle particulière des vers à soie ». Il compare la maladie des vers à soie à une phtisie pulmonaire héréditaire… Pasteur est aux antipodes de l’hypothèse parasitaire de Béchamp…
 
Le 2 juillet 1866, Béchamp déclare devant la société d’agriculture de l’Hérault que la pébrine est une maladie parasitaire25.
 
Le 23 juillet 1866, Pasteur présente un mémoire à l’Académie des sciences26. Bien que dépassant les limites réglementaires, ce mémoire est publié dans son intégralité et, sur proposition de Dumas, un grand nombre d’exemplaires sont mis à disposition de l’auteur pour être distribués dans le Midi27. Pasteur reprend les thèses qu’il a soutenues l’année précédente, et son mémoire ne contient aucune expérimentation… Il attaque l’hypothèse parasitaire de Béchamp au sujet de la pébrine. Il dit que ce serait une erreur de croire cette idée28. Il affirme que les corpuscules sont incapables de reproduction29 et continue toujours à les ranger du côté des globules de sang, des globules de pus, … 30.
 
Le 13 août 1866, Béchamp fait à nouveau une communication sur le sujet31 mais l’Académie n’en publie malheureusement qu’un extrait tandis que la communication de Pasteur du 23 juillet 1866 a droit à 17 pages. Un des deux commissaires pour la lecture de son article est... Louis Pasteur…
 
Cette communication de Béchamp débute par :
 
« On peut faire deux hypothèses pour se rendre compte de la nature de la maladie appelée pébrine.
 
1° Elle est constitutionnelle. Dans ce cas les corpuscules vibrants ne sont qu’un signe pathognomonique, une production pathologique. Loin d’être cause de la maladie, ils n’en sont que l’effet.
 
2° Elle est parasitaire. Alors les corpuscules, si l’on ne découvre aucune autre production organisée, sont la cause productrice de la maladie. »
 
Le travail de Béchamp est fondé sur la deuxième hypothèse. Il y donne une série d’expériences, et se propose de démontrer dans un prochain article que le corpuscule vibrant n’est pas une production pathologique, quelque chose d’analogue au globule de pus, ou à la cellule du cancer ou aux tubercules pulmonaires (le contraire de l’opinion de Pasteur, qui l’a rapportée le 25 septembre 1865). Béchamp le démontrera dans son article du 27 août 1866, infirmant le rapport de Pasteur.
 
Le 20 août 1866, Pasteur rédige un article32 où il combat, toujours et encore, les travaux de Béchamp…
 
Le 27 août 1866, Béchamp présente une nouvelle communication à l’Académie 33. Il réitère sa théorie, que la pébrine est d’origine parasitaire, et que le corpuscule vibrant est la cause de la maladie. « Pour démontrer que ce corpuscule n’est pas une production pathologique analogue aux globules du sang, aux globules de pus, à la cellule cancéreuse, aux tubercules pulmonaires, en un mot, n’est pas une cellule animale », il démontre que le corpuscule vibrant est un ferment, qu’il est de nature insoluble, qu’il résiste à la putréfaction et est insoluble dans la potasse caustique (contrairement à des globules rouges, des cellules de pus, des cellules cancéreuses, tous solubles dans la potasse caustique).
 
Le Moniteur du 23 août 1866 publie les questions34 que Béchamp se pose à l’époque sur la pébrine35 qui résument très bien le problème :
 
1° Si la maladie est parasitaire, d’où vient le parasite ?
 2° Quel est le siège initial du parasite ?
 3° Quelle est la nature du parasite, c’est-à-dire des corpuscules vibrants ? Sont-ils de nature animale ou végétale ? Ont-ils quelque fonction qui permette de les rapprocher des ferments organisés connus ?
 4° La nature du parasite étant connue, expliquer comment il envahit la chenille, la chrysalide et le papillon, voire peut-être l’œuf.
 5° Quels sont les moyens prophylactiques que l’on peut opposer à l’envahissement du parasite ?
 
Le 3 septembre 1866, Béchamp publie à nouveau un article36 où il réitère le résultat de ses recherches : la pébrine est parasitaire. Béchamp considère qu’il regarde la cause de la maladie en affirmant la nature parasitaire de la maladie, tandis que Pasteur, lui, ne la considère que comme un signe. Le premier, il insiste sur le lavage à l’eau créosotée, comme traitement curatif.
 
Le 10 septembre 1866, Pasteur présente un article37 à propos des travaux de Balbiani sur la maladie des vers à soie. Il discute surtout sur l’acidité et l’alcalinité des humeurs des vers à soie…
 
Les comptes rendus de l’Académie des sciences de 186638 signalent que Béchamp adresse de nouvelles observations sur la maladie des vers à soie. L’article est renvoyé vers la Commission des vers à soie.
 
Le 22 octobre 1866, Béchamp publie un commentaire sur les travaux de Joly39. Il rappelle le traitement à la créosote et écrit que d’autres savants se sont servis de l’acide phénique (autre antiseptique, différent de la créosote). Il signale qu’un collègue de Montpellier a utilisé la créosote pour un « sycosis parasitaire ». Il signale aussi que Huber et Chevreul ont constaté l’effet bénéfique de l’essence de térébenthine pour inhiber la germination des haricots dans une enceinte close40. Il termine l’article en écrivant « Cette théorie, fondée sur tant d’expériences, confirmée depuis 1854 par tant d’expérimentateurs, je propose de l’appliquer au traitement de la pébrine. ».
 
Le 17 décembre 1866, à nouveau Béchamp rédige un article41 qui propose une nouvelle précaution supplémentaire pour éradiquer la pébrine : contrôler l’humidité des feuilles. Il cite plusieurs auteurs qui en ont constaté l’utilité.
 
1867
 
Le 4 février 1867, Béchamp publie à nouveau dans les Comptes rendus de l’Académie : il montre que les corpuscules se comportent comme un ferment producteur d’alcool 42.
 
Le 14 mars 1867, Pasteur écrit à Jeanjean, un maire du Gard, secrétaire d’un Comice agricole : «Ce pauvre M.B. (Béchamp) est en ce moment un des plus curieux exemples de l’influence des idées préconçues se transformant peu à peu en idées fixes [sic]. Toutes ses affirmations sont tellement de parti pris que j’en suis à me demander s’il a jamais observé plus de dix vers à soie dans sa vie.» 43.
 
Or Pasteur se trompe et c’est Béchamp qui a raison : la pébrine est parasitaire…
 
Le 18 mars 1867, Pasteur écrit à nouveau à Jeanjean pour dire ses échecs et critiquer Béchamp44.
 
Le 29 avril 1867, Pasteur fait à nouveau une communication sur la nature des corpuscules des vers à soie45. Pasteur parle d’organites et de scissiparité. Il cite d’autres auteurs, excepté Béchamp… Citer Béchamp, ce serait reconnaître l’antériorité, l’importance et la qualité de ses travaux…
 
Le 29 avril 1867, Béchamp publie à nouveau dans les comptes rendus de l’Académie des sciences46. Il rappelle les conclusions de ses écrits : le corpuscule vibrant est un mycrophite ferment producteur d’alcool, il est loin d’être putrescible, il pullule dans un milieu de matériaux putrescibles et c’est une spore. Il rappelle également l’effet bénéfique inhibiteur de la créosote sur la multiplication des corpuscules. Il rajoute en terminant cet article : « J’ose espérer que la priorité de l’idée et des expériences qui la démontrent ne me sera pas contestée.» 47.
 
Le 20 mai 1867, Béchamp fait deux communications publiées dans les comptes rendus48. La première communication prend note que Pasteur admet que le corpuscule est un organisme indépendant. Mais il laisse entendre que Pasteur n’est pas le premier à écrire sur la multiplication scissipare du corpuscule. Dans la deuxième communication, Béchamp parle de ses expériences avec Estor et consacre une partie de son article à la flacherie, qu’il ne faut pas confondre avec la pébrine49. (En fait, Béchamp ne nomme pas la flacherie dans cette communication, mais la maladie des vers restés petits. Dans une communication ultérieure, Béchamp dira que pour lui, la maladie des vers restés petits et la flacherie ne font qu'une50.) Il voit des microbes particuliers (distincts des corpuscules de la pébrine) qu’il nomme Microzymas bombycis51. En fin d’article, il insiste sur le soin à apporter à la préparation des feuilles que l’on donne en pâture aux vers.
 
Selon la théorie parasitaire qu’il soutient, les microzymas viennent de l’air et devraient pouvoir se rencontrer sur la feuille52.
 
Le 22 mai 1867, le « Messager du Midi » 53 publiait les preuves données par Béchamp de l’origine parasitaire de la maladie. Elles se résument ainsi :
 
« 1° C’est par l’extérieur que la maladie débute
 2° Le corpuscule vibrant a une existence indépendante et propre ; il est imputrescible et pullule au milieu des matériaux putréfiés
 3° Le corpuscule vibrant est végétal
 4. Le corpuscule agit comme un ferment. »
 
Le 29 mai 1867, Pasteur écrit à Dumas pour dire qu’il refuse toujours la nature parasitaire de la pébrine… 54. Il réfute toujours les thèses de Béchamp… Plus tard, pourtant, il s’en arrogera la paternité…
 
Il lui écrit également : « Si vous saviez combien il est erroné de dire que cette maladie (pébrine) n’est pas constitutionnelle, mais seulement parasitaire. Son caractère essentiel est précisément dans son caractère constitutionnel … et quel audacieux mensonge que les corpuscules sont à l’extérieur des œufs et des vers ! Enfin, je crois que ces gens-là sont fous.» 54.
 
Le 3 juin 1867, une longue lettre de Pasteur sur la flacherie est lue par Dumas à l’Académie des sciences55. Il y parle d’empoisonnement qui fait apparaître les corpuscules spontanément…
 
Le 27 août 1867, Balbiani présente un travail à l’Académie des sciences. D’emblée, il commence son article en écrivant: « …, j’ai essayé de montrer que l’opinion qui consiste à attribuer à la maladie actuelle des vers à soie une origine parasitaire est la seule qui s’appuie sur des preuves positives… » 56. Balbiani est donc du même avis que Béchamp.
 
1868
 
Le 8 juin 1868, Béchamp complète sa description des maladies des vers à soie en s’intéressant à la cause de la maladie des morts flats. Pour lui, le Microzyma bombycis est la cause de la maladie.
 
Finalement, Louis Pasteur admet que Béchamp a raison57. Selon Paul de Kruif58, ce serait Gernez, le collaborateur de Pasteur, qui lui aurait ouvert les yeux sur l'origine parasitaire de la pébrine et Pasteur aurait mis six mois pour en être convaincu58,59. Toutefois, Louis Pasteur n'est pas correct : il ne reconnaît pas l'antériorité et la priorité des travaux d'Antoine Béchamp. Il va même écrire partout (à l'Académie des Sciences, au Ministère de l'Agriculture) qu'il a été le premier à avoir montré l'origine parasitaire de la pébrine60.
 
Conclusions de l'historique de la maladie des vers à soie
 
En conclusion, dans l’histoire de la maladie des vers à soie :
 
- Pasteur n’a pas découvert le principe de l’exclusion des vers malades pour la reproduction, qui fut proposée en 1859 par A. Quatrefages61,62, dont il connaissait les travaux63. Il n’a trouvé ni le moyen de découvrir les vers malades, ni le procédé qui en faciliterait l’application 64.
 
- Béchamp a proposé très rapidement la bonne hypothèse parasitaire de la pébrine ainsi qu’un traitement curatif par la créosote (qui ne fut malheureusement pas appliqué à grande échelle), sans oublier un traitement préventif (par le degré d’humidité).
 
En 1870, Pasteur publie un livre sur les maladies des vers à soie qu’il dédie à la S.M. l’Impératrice Eugénie en occultant Béchamp65 : il s'y pose en sauveur de la sériciculture, bien qu’il ne soit pas le découvreur de l’agent étiologique de la maladie des vers à soie, ni d’un traitement curatif ou préventif.
 
Alors qu’en 1867 il traitait de fous les personnes qui soutenaient la cause parasitaire de la pébrine, dix ans plus tard (en décembre 1877), Pasteur s’attribua l’honneur d’avoir trouvé la cause parasitaire de la maladie. Il obtint de nombreuses récompenses financières pour des découvertes faites par Béchamp et Estor64.
 
En août 1881, Pasteur et Béchamp se retrouvèrent à Londres pour un congrès médical international. Devant les participants et les journalistes, Pasteur attaqua Béchamp et l’accusa de croire aux « générations spontanées », ce qui est faux : Béchamp avait toujours soutenu le caractère parasitaire de la pébrine contre Pasteur qui prétendait que ces corpuscules naissaient spontanément dans le corps des vers à soie.
 
Béchamp parla devant l’assemblée des scientifiques mais n’eut pas l’occasion de se défendre devant Pasteur qui quitta l’assemblée. Pour répondre à Pasteur, il rédigea un nouvel ouvrage Les Microzymas, publié en 1883.
 
En raison de tout l'historique précis tiré des Comptes rendus de l'Académie des sciences, plusieurs auteurs66 ont trouvé qu’il y a eu, dans le chef de Pasteur, falsification de l’histoire médicale et plagiat de la découverte de l’agent étiologique des maladies des vers à soie.
 
C’est donc Béchamp qui a véritablement trouvé l’agent étiologique de la pébrine et en a, de plus, proposé un traitement curatif. Il ne reçut ni subvention ni récompense pour son travail de chercheur.
 
La synthèse des colorants et l'atoxyl
 
Ses recherches le conduisent à la découverte d'une méthode nouvelle et économique de production de l'aniline. Alors que le chimiste allemand August Wilhelm von Hofmann produit déjà de l'aniline en soumettant une mixture de nitrobenzène et d'alcool à la réduction par l'action de l'acide chlorhydrique et du zinc, Béchamp montre, en 1852, que l'emploi de l'alcool n'est pas nécessaire, que le zinc peut être remplacé par le fer, et l'acide chlorhydrique par l'acide acétique, ce qui permet de réduire les coûts de production industrielle de l'aniline.
 
La maison Renard de Lyon entend parler de la découverte de Béchamp, elle s'adresse à lui et, avec son aide, elle réussit à produire de manière économique la fuchsine (autrement dit le magenta) et ses variétés. Le seul profit que Béchamp tire de sa découverte est de recevoir, une dizaine années plus tard, une médaille d'or décernée par la Société industrielle de Mulhouse.
 
En 1859, par réaction chimique entre l'aniline et l'acide arsénique (métarsénite d'acétanilide), Béchamp synthétise l'arsanilate de sodium ; il nomme ce composé « atoxyl » par référence à la relative faiblesse de sa toxicité comparée à celle de l'arsenic. L'atoxyl est alors utilisé dans le traitement des maladies de la peau et de la maladie du sommeil. Mais il reste très toxique et n'agit pas sur tous les tréponèmes. Cinquante ans plus tard, cherchant à améliorer l'atoxyl, Paul Ehrlich étudie plus de six cents arsénobenzènes dérivés et, avec Sahachiro Hata, il aboutit en 1909 à la découverte du Salvarsan. Ce produit, le premier enfin réellement efficace contre la syphilis et la maladie du sommeil, marque une étape essentielle dans le développement de la chimie thérapeutique67.
 
Les ferments solubles (ou diastases, ou enzymes) : prétendue priorité de Béchamp sur Buchner
 
Dans un mémoire publié en 185868, Béchamp soutient69 que l'interversion du sucre de canne, quand on l'obtient sans l'aide de la levure, n'a pas pour cause le simple contact avec l'eau, mais bien les moisissures, dont d'autres observateurs avaient noté avant lui la présence concomitante au phénomène. Il assimile70 cette action des moisissures à celle de la diastase, un des « ferments solubles » (enzymes) connus à l'époque.
 
Plus tard, dans un livre publié en 188371, Béchamp relatera comme suit des réflexions et des expériences qu'il aurait faites en 1857, après être venu, comme dit plus haut, à l'idée que l'action des moisissures était assimilable à celle de la diastase : « Mais la diastase est ce que l'on nomme un ferment soluble; or les moisissures, en tant qu'organisées, sont insolubles : si elles agissent par un ferment soluble, celui-ci doit être excrété par elles et tout formé en elles. Il résultait de cette remarque que l'organisme des moisissures étant détruit, elles n'en agiraient pas moins si vraiment le ferment soluble était tout formé dans leur tissu. Dans ces sortes d'expériences, la quantité de moisissure formée étant peu considérable, voici comment j'opérais : La moisissure, bien lavée et égouttée, était broyée avec une quantité environ vingt fois plus grande de sucre de canne solide, de façon à déchirer son tissu : de cette manière les produits solubles de la matière organisée s'imbibaient dans le sucre. (...) bientôt, on pouvait constater le commencement de l'interversion (...). La démonstration, je l'ai alors généralisée, en démontrant que les moisissures qui naissent dans le sucre et dans certaines fermentations, la levûre de bière elle-même, qui est aussi une moisissure, sont dans le même cas. » (Note : la levure de bière est considérée ici dans son effet d'interversion du sucre de canne, et non de fermentation.) Béchamp, dans le même livre72, dit qu'il appela zymase le « ferment soluble » qu'il avait ainsi découvert.
 
Même si on s'en tient à l'époque où Béchamp publia ces expériences (1883) et non à celle où il dit les avoir faites (1857), elles peuvent sembler préfigurer celles que Buchnner publiera en 1897. Des auteurs comme Philippe Decourt73 et Milton Wainwright74 en concluent ou semblent en conclure que Buchner usurpe une gloire qui revient à Béchamp.
 
Il faut toutefois noter que ce que Buchner obtenait à partir de la « zymase75 » de la levure, et en l'absence de la levure elle-même, c'était la fermentation alcoolique76. Or Béchamp dit explicitement que la « zymase » qu'il extrait de la levure produit l'interversion du sucre de canne, mais non la fermentation alcoolique. Après avoir distingué entre les deux fonctions : « Comme ferment, la levûre possède donc deux fonctions : celle d'intervertir le sucre de canne et celle de produire l'alcool. Ces deux phénomènes sont-ils du même ordre ? » et rappelé que la « zymase » de la levure peut à elle seule intervertir le sucre de canne, il ajoute : « Or, on peut laisser la zymase en contact avec le sucre, aussi longtemps qu'on le veut, sans qu'il se forme aucune trace d'alcool, ou se manifeste aucun indice de fermentation »77. Buchner a donc réussi, notamment par l'addition de kieselguhr (tripoli) et l'usage d'une presse hydraulique78, là où Béchamp avait échoué.
 
Ce que Béchamp appelait «zymase» n'était pas le complexe enzymatique auquel Buchner donnerait le même nom, mais l'invertase79.
 
Citations
 « Dans un article paru le 7 août 1904 intitulé "A l'éternelle gloire de l'immortel Pasteur", le docteur Boucher80 écrivit :
 "Le professeur Antoine Béchamp raconte comment Pasteur avait plagié Davaine et admis comme lui que la bactéridie était la cause de la maladie charbonneuse et qu'elle vient du dehors dans le sang de l'animal. Avant ce plagiat, Pasteur avait nié qu'une véritable maladie parasitaire (dont Béchamp avait caractérisé le parasite) le fût, en niant même que le parasite fût vivant et assurant que la maladie était constitutionnelle comme la tuberculose, laquelle est une maladie physiologique, non parasitaire.
 Antoine Béchamp nous explique comment Pasteur, en 1876, plus de 20 ans après Davaine, avait fait de la maladie charbonneuse et de toutes les maladies physiologiques, des maladies parasitaires dont le germe du parasite est dans l'air depuis l'origine des choses. Et cela, après avoir plagié la théorie microzymienne, sans grand succès.
 Antoine Béchamp avait depuis longtemps déjà démontré en accord avec son assistant Estor, que les vibrionniens, en règle générale, et plus spécifiquement les bactéries, sont le résultat du développement des microzymas normaux de tous les tissus et humeurs des corps vivants et que ce développement était naturel dans l'état pathologique.
 Or Pasteur, comme membre d'une commission académique chargée de vérifier que sous les pansements ouatés le pus est exempt de bactéries, assura que c'était vrai.
 L'éminent chirurgien Gosselin, rapporteur de cette commission, prouva que c'était faux. Pasteur répliqua à sa façon dans une note qui est aux comptes rendus de l'Académie des Sciences en comparant un membre blessé à un membre cassé. Pasteur fut dans l'obligation de se rendre mais en taisant les microzymas et en attribuant leur apparition et celle des bactéries aux germes de l'air dans les pus chirurgicaux.
 Tout le monde était convaincu qu'il n'y a pas de pus sans bactéries et quelque chose de vivant. Sédillot, le chirurgien de l'Académie des Sciences déclara sans réfléchir : C'est donc un microbe qui rend le pus dangereux. Pasteur, comme sur une proie se jeta sur ce mot, le trouvant sans doute suffisamment vague. On devine pourquoi. Ce mot servit ensuite à désigner les microzymas et les bactéries nés des germes de l'air dans le pus chirurgical ».
 « Rien n’est la proie de la mort, tout est la proie de la vie » Antoine Béchamp.
 « Le ‘Microbisme’ est une doctrine fataliste monstrueuse qui suppose qu'à l'origine des choses, Dieu aurait créé les germes des microbes destinés à nous rendre malades. » Antoine Béchamp.
 « On ne peut avoir que des idées inspirées ou communiquées, et c’est en travaillant sur les unes et sur les autres que les idées nouvelles sont conçues. C’est pourquoi un chercheur sincère doit mentionner les idées de ceux qui l’ont précédé dans la carrière, parce que ceux-ci, grands ou petits, ont dû faire effort, c’est là leur mérite, pour apporter leur part de vérité dans le monde. Je ne puis concevoir un titre supérieur à celui du droit à une telle propriété, car c’est ceci qui constitue notre personnalité et souvent notre génie, s’il est vrai que cette sublime prérogative, ce rare privilège, n’est rien qu’une longue patience, ou, pour être plus exact, un travail de persévérance, fécondé par l’étincelle que Dieu a mise en nous ; ce droit n’en doit être que plus respecté, car il est de la nature des seules richesses, de la seule propriété dont nous pouvons être prodigues sans nous appauvrir nous-mêmes ; que dis-je, c’est en dépensant ainsi que nous nous enrichissons nous-mêmes de plus en plus. » (Antoine Béchamp) 81
 « Béchamp avait raison, le microbe n'est rien, le terrain est tout » aurait dit Pasteur durant les derniers jours de sa vie. Il aurait même ajouté : " C'est Claude qui a raison », en parlant de Claude Bernard " . » (Pour en finir avec Pasteur, Dr Eric Ancelet Ed. Marco Pietteur ISBN 2-87211-025-9)
 « L'analyse comparée des textes aujourd'hui disponibles, y compris de la Correspondance des deux auteurs (NDLR : Antoine Béchamp et Louis Pasteur), nous conduit, concernant l'étiologie de ces maladies, à pencher vers une interprétation reconnaissant aux idées et aux théories de Béchamp la priorité sur celles de Pasteur. Notamment, l'analyse de la correspondance de Béchamp, significative et fructueuse, révèle l'image d'un savant occupé en permanence à se défendre des accusations de ses détracteurs, et en particulier des attaques répétées de Pasteur. De nombreuses lettres témoignent de sa volonté explicite de revendiquer pour lui-même l'attribution des découvertes relatives à l'étiologie des maladies des vers à soie (...). Les prétentions de Pasteur, qui avait complètement méconnu la vraie nature du corpuscule vibrant, semblent insoutenables à présent qu'il s'agit d'établir la paternité des théories relatives à la cause et au signe pathognomonique de la "maladie microzymateuse", la flacherie. » (Antonio Cadeddu)82.

 

 


Les maladies des vers à soie
 
Trois maladies des vers à soie sont à distinguer : la pébrine, la muscardine, la flacherie.

 
Article détaillé : maladies des vers à soie.
 
Historique des recherches d'Antoine Béchamp sur les maladies des vers à soie
 
1865
 
Le sénateur du Gard Jean-Baptiste Dumas, le célèbre chimiste de l’époque, envoie Louis Pasteur étudier la maladie des vers à soie (pébrine, appelée aussi « la nouvelle maladie ») : dans le Midi, pays d'origine de Dumas, l'industrie du ver à soie est menacée par cette « nouvelle maladie ». Il propose à Pasteur d'étudier celle-ci. Pasteur objecte qu'il n'a jamais vu de ver à soie et qu'il ne connaît rien sur le sujet11,12,13. Dumas lui répond : « Tant mieux, vous n'avez pas d'idées préconçues14. »
 
Le 6 juin 1865, Antoine Béchamp fait une communication à la Société centrale d’agriculture de l’Hérault 15. D’emblée, il suppose que la pébrine est parasitaire.
 
Le jour de la communication de Béchamp devant la Société centrale d’agriculture de l’Hérault, Pasteur part pour Alais (ancien nom pour Alès). Il est payé par le gouvernement français de l’époque pour étudier la pébrine.
 
Quant à Jean-Baptiste Dumas, il écrit dans un rapport au Sénat de l’Empire, le 9 juin 1865 : « La maladie du ver s’observe à toutes les phases de la vie : œuf, ver, chrysalide, papillon, elle peut se manifester dans tous les organes. D’où vient la maladie ? On l’ignore. Comment s’inocule-t-elle ?… On ne le sait… » 16.
 
Le 25 septembre 1865, Louis Pasteur fait une communication sur la maladie des vers à soie à l’Académie des sciences17. L’article reprend et résume essentiellement les travaux de ses prédécesseurs Quatrefages, Cornalia et Ciccone.
 
Il reprend l’opinion émise par Ciccone en écrivant : « les corpuscules ne sont ni des animaux, ni des végétaux, mais des corps plus ou moins analogues aux granulations des cellules cancéreuses ou des tubercules pulmonaires. Au point de vue d’une classification méthodique, ils devraient être rangés plutôt à côté des globules de pus, ou des globules du sang, ou mieux encore des granules d’amidon, qu’auprès des infusoires ou des moisissures » 18.
 
Pour Pasteur, les vers à soie sont malades parce qu’ils n’ont pas une bonne constitution (sic) : « Si l'on réunissait dans un même lieu une foule d’enfants nés de parents malades de la phtisie pulmonaire, ils grandiraient plus ou moins maladifs, mais ne montreraient qu’à des degrés et à des âges divers les tubercules pulmonaires, signe certain de leur mauvaise constitution. Les choses se passent à peu près de même pour les vers à soie » 19.
 
1866
 
Le 17 juin 1866, Antoine Béchamp publie une note sur la pébrine dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences 20. Son article commence ainsi : « J’admets que la maladie des vers à soie, qui fait des ravages depuis plusieurs années est parasitaire. La pébrine, selon moi, attaque d’abord le ver par le dehors, et c’est de l’air que viennent les germes du parasite. La maladie, en un mot, n’est pas primitivement constitutionnelle » 21. Dans cet article du 17 juin 1866, Béchamp confirme donc ses déclarations de l’année précédente : il réaffirme que la pébrine est une maladie parasitaire, que l’attaque du ver vient du dehors, et que les germes du parasite viennent de l’air (il n’est donc pas partisan de la « génération spontanée »).
 
À cette époque, Louis Pasteur persiste à croire la pébrine constitutionnelle et non parasitaire…
 
Pour combattre cette maladie parasitaire, Béchamp recommande l’emploi de la créosote, connue comme puissant antiseptique par la présence de phénol et de crésol qu’elle contient. Il affirme l’action et l’innocuité de la créosote sur le ver à soie. Ses résultats ne semblent toutefois pas avoir été confirmés22.
 
Le 26 juin 1866, Louis Pasteur fait un exposé au Comice agricole d’Alais, réuni en séance extraordinaire23. Les observations de Pasteur exposées devant ce Comice agricole sont reprises dans la note lue par lui-même à l’Académie le 23 juillet 186624. On y lit, entre autres : « Je suis très porté à croire qu’il n’existe pas de maladie actuelle particulière des vers à soie ». Il compare la maladie des vers à soie à une phtisie pulmonaire héréditaire… Pasteur est aux antipodes de l’hypothèse parasitaire de Béchamp…
 
Le 2 juillet 1866, Béchamp déclare devant la société d’agriculture de l’Hérault que la pébrine est une maladie parasitaire25.
 
Le 23 juillet 1866, Pasteur présente un mémoire à l’Académie des sciences26. Bien que dépassant les limites réglementaires, ce mémoire est publié dans son intégralité et, sur proposition de Dumas, un grand nombre d’exemplaires sont mis à disposition de l’auteur pour être distribués dans le Midi27. Pasteur reprend les thèses qu’il a soutenues l’année précédente, et son mémoire ne contient aucune expérimentation… Il attaque l’hypothèse parasitaire de Béchamp au sujet de la pébrine. Il dit que ce serait une erreur de croire cette idée28. Il affirme que les corpuscules sont incapables de reproduction29 et continue toujours à les ranger du côté des globules de sang, des globules de pus, … 30.
 
Le 13 août 1866, Béchamp fait à nouveau une communication sur le sujet31 mais l’Académie n’en publie malheureusement qu’un extrait tandis que la communication de Pasteur du 23 juillet 1866 a droit à 17 pages. Un des deux commissaires pour la lecture de son article est... Louis Pasteur…
 
Cette communication de Béchamp débute par :
 
« On peut faire deux hypothèses pour se rendre compte de la nature de la maladie appelée pébrine.
 
1° Elle est constitutionnelle. Dans ce cas les corpuscules vibrants ne sont qu’un signe pathognomonique, une production pathologique. Loin d’être cause de la maladie, ils n’en sont que l’effet.
 
2° Elle est parasitaire. Alors les corpuscules, si l’on ne découvre aucune autre production organisée, sont la cause productrice de la maladie. »
 
Le travail de Béchamp est fondé sur la deuxième hypothèse. Il y donne une série d’expériences, et se propose de démontrer dans un prochain article que le corpuscule vibrant n’est pas une production pathologique, quelque chose d’analogue au globule de pus, ou à la cellule du cancer ou aux tubercules pulmonaires (le contraire de l’opinion de Pasteur, qui l’a rapportée le 25 septembre 1865). Béchamp le démontrera dans son article du 27 août 1866, infirmant le rapport de Pasteur.
 
Le 20 août 1866, Pasteur rédige un article32 où il combat, toujours et encore, les travaux de Béchamp…
 
Le 27 août 1866, Béchamp présente une nouvelle communication à l’Académie 33. Il réitère sa théorie, que la pébrine est d’origine parasitaire, et que le corpuscule vibrant est la cause de la maladie. « Pour démontrer que ce corpuscule n’est pas une production pathologique analogue aux globules du sang, aux globules de pus, à la cellule cancéreuse, aux tubercules pulmonaires, en un mot, n’est pas une cellule animale », il démontre que le corpuscule vibrant est un ferment, qu’il est de nature insoluble, qu’il résiste à la putréfaction et est insoluble dans la potasse caustique (contrairement à des globules rouges, des cellules de pus, des cellules cancéreuses, tous solubles dans la potasse caustique).
 
Le Moniteur du 23 août 1866 publie les questions34 que Béchamp se pose à l’époque sur la pébrine35 qui résument très bien le problème :
 
1° Si la maladie est parasitaire, d’où vient le parasite ?
 2° Quel est le siège initial du parasite ?
 3° Quelle est la nature du parasite, c’est-à-dire des corpuscules vibrants ? Sont-ils de nature animale ou végétale ? Ont-ils quelque fonction qui permette de les rapprocher des ferments organisés connus ?
 4° La nature du parasite étant connue, expliquer comment il envahit la chenille, la chrysalide et le papillon, voire peut-être l’œuf.
 5° Quels sont les moyens prophylactiques que l’on peut opposer à l’envahissement du parasite ?
 
Le 3 septembre 1866, Béchamp publie à nouveau un article36 où il réitère le résultat de ses recherches : la pébrine est parasitaire. Béchamp considère qu’il regarde la cause de la maladie en affirmant la nature parasitaire de la maladie, tandis que Pasteur, lui, ne la considère que comme un signe. Le premier, il insiste sur le lavage à l’eau créosotée, comme traitement curatif.
 
Le 10 septembre 1866, Pasteur présente un article37 à propos des travaux de Balbiani sur la maladie des vers à soie. Il discute surtout sur l’acidité et l’alcalinité des humeurs des vers à soie…
 
Les comptes rendus de l’Académie des sciences de 186638 signalent que Béchamp adresse de nouvelles observations sur la maladie des vers à soie. L’article est renvoyé vers la Commission des vers à soie.
 
Le 22 octobre 1866, Béchamp publie un commentaire sur les travaux de Joly39. Il rappelle le traitement à la créosote et écrit que d’autres savants se sont servis de l’acide phénique (autre antiseptique, différent de la créosote). Il signale qu’un collègue de Montpellier a utilisé la créosote pour un « sycosis parasitaire ». Il signale aussi que Huber et Chevreul ont constaté l’effet bénéfique de l’essence de térébenthine pour inhiber la germination des haricots dans une enceinte close40. Il termine l’article en écrivant « Cette théorie, fondée sur tant d’expériences, confirmée depuis 1854 par tant d’expérimentateurs, je propose de l’appliquer au traitement de la pébrine. ».
 
Le 17 décembre 1866, à nouveau Béchamp rédige un article41 qui propose une nouvelle précaution supplémentaire pour éradiquer la pébrine : contrôler l’humidité des feuilles. Il cite plusieurs auteurs qui en ont constaté l’utilité.
 
1867
 
Le 4 février 1867, Béchamp publie à nouveau dans les Comptes rendus de l’Académie : il montre que les corpuscules se comportent comme un ferment producteur d’alcool 42.
 
Le 14 mars 1867, Pasteur écrit à Jeanjean, un maire du Gard, secrétaire d’un Comice agricole : «Ce pauvre M.B. (Béchamp) est en ce moment un des plus curieux exemples de l’influence des idées préconçues se transformant peu à peu en idées fixes [sic]. Toutes ses affirmations sont tellement de parti pris que j’en suis à me demander s’il a jamais observé plus de dix vers à soie dans sa vie.» 43.
 
Or Pasteur se trompe et c’est Béchamp qui a raison : la pébrine est parasitaire…
 
Le 18 mars 1867, Pasteur écrit à nouveau à Jeanjean pour dire ses échecs et critiquer Béchamp44.
 
Le 29 avril 1867, Pasteur fait à nouveau une communication sur la nature des corpuscules des vers à soie45. Pasteur parle d’organites et de scissiparité. Il cite d’autres auteurs, excepté Béchamp… Citer Béchamp, ce serait reconnaître l’antériorité, l’importance et la qualité de ses travaux…
 
Le 29 avril 1867, Béchamp publie à nouveau dans les comptes rendus de l’Académie des sciences46. Il rappelle les conclusions de ses écrits : le corpuscule vibrant est un mycrophite ferment producteur d’alcool, il est loin d’être putrescible, il pullule dans un milieu de matériaux putrescibles et c’est une spore. Il rappelle également l’effet bénéfique inhibiteur de la créosote sur la multiplication des corpuscules. Il rajoute en terminant cet article : « J’ose espérer que la priorité de l’idée et des expériences qui la démontrent ne me sera pas contestée.» 47.
 
Le 20 mai 1867, Béchamp fait deux communications publiées dans les comptes rendus48. La première communication prend note que Pasteur admet que le corpuscule est un organisme indépendant. Mais il laisse entendre que Pasteur n’est pas le premier à écrire sur la multiplication scissipare du corpuscule. Dans la deuxième communication, Béchamp parle de ses expériences avec Estor et consacre une partie de son article à la flacherie, qu’il ne faut pas confondre avec la pébrine49. (En fait, Béchamp ne nomme pas la flacherie dans cette communication, mais la maladie des vers restés petits. Dans une communication ultérieure, Béchamp dira que pour lui, la maladie des vers restés petits et la flacherie ne font qu'une50.) Il voit des microbes particuliers (distincts des corpuscules de la pébrine) qu’il nomme Microzymas bombycis51. En fin d’article, il insiste sur le soin à apporter à la préparation des feuilles que l’on donne en pâture aux vers.
 
Selon la théorie parasitaire qu’il soutient, les microzymas viennent de l’air et devraient pouvoir se rencontrer sur la feuille52.
 
Le 22 mai 1867, le « Messager du Midi » 53 publiait les preuves données par Béchamp de l’origine parasitaire de la maladie. Elles se résument ainsi :
 
« 1° C’est par l’extérieur que la maladie débute
 2° Le corpuscule vibrant a une existence indépendante et propre ; il est imputrescible et pullule au milieu des matériaux putréfiés
 3° Le corpuscule vibrant est végétal
 4. Le corpuscule agit comme un ferment. »
 
Le 29 mai 1867, Pasteur écrit à Dumas pour dire qu’il refuse toujours la nature parasitaire de la pébrine… 54. Il réfute toujours les thèses de Béchamp… Plus tard, pourtant, il s’en arrogera la paternité…
 
Il lui écrit également : « Si vous saviez combien il est erroné de dire que cette maladie (pébrine) n’est pas constitutionnelle, mais seulement parasitaire. Son caractère essentiel est précisément dans son caractère constitutionnel … et quel audacieux mensonge que les corpuscules sont à l’extérieur des œufs et des vers ! Enfin, je crois que ces gens-là sont fous.» 54.
 
Le 3 juin 1867, une longue lettre de Pasteur sur la flacherie est lue par Dumas à l’Académie des sciences55. Il y parle d’empoisonnement qui fait apparaître les corpuscules spontanément…
 
Le 27 août 1867, Balbiani présente un travail à l’Académie des sciences. D’emblée, il commence son article en écrivant: « …, j’ai essayé de montrer que l’opinion qui consiste à attribuer à la maladie actuelle des vers à soie une origine parasitaire est la seule qui s’appuie sur des preuves positives… » 56. Balbiani est donc du même avis que Béchamp.
 
1868
 
Le 8 juin 1868, Béchamp complète sa description des maladies des vers à soie en s’intéressant à la cause de la maladie des morts flats. Pour lui, le Microzyma bombycis est la cause de la maladie.
 
Finalement, Louis Pasteur admet que Béchamp a raison57. Selon Paul de Kruif58, ce serait Gernez, le collaborateur de Pasteur, qui lui aurait ouvert les yeux sur l'origine parasitaire de la pébrine et Pasteur aurait mis six mois pour en être convaincu58,59. Toutefois, Louis Pasteur n'est pas correct : il ne reconnaît pas l'antériorité et la priorité des travaux d'Antoine Béchamp. Il va même écrire partout (à l'Académie des Sciences, au Ministère de l'Agriculture) qu'il a été le premier à avoir montré l'origine parasitaire de la pébrine60.
 
Conclusions de l'historique de la maladie des vers à soie
 
En conclusion, dans l’histoire de la maladie des vers à soie :
 
- Pasteur n’a pas découvert le principe de l’exclusion des vers malades pour la reproduction, qui fut proposée en 1859 par A. Quatrefages61,62, dont il connaissait les travaux63. Il n’a trouvé ni le moyen de découvrir les vers malades, ni le procédé qui en faciliterait l’application 64.
 
- Béchamp a proposé très rapidement la bonne hypothèse parasitaire de la pébrine ainsi qu’un traitement curatif par la créosote (qui ne fut malheureusement pas appliqué à grande échelle), sans oublier un traitement préventif (par le degré d’humidité).
 
En 1870, Pasteur publie un livre sur les maladies des vers à soie qu’il dédie à la S.M. l’Impératrice Eugénie en occultant Béchamp65 : il s'y pose en sauveur de la sériciculture, bien qu’il ne soit pas le découvreur de l’agent étiologique de la maladie des vers à soie, ni d’un traitement curatif ou préventif.
 
Alors qu’en 1867 il traitait de fous les personnes qui soutenaient la cause parasitaire de la pébrine, dix ans plus tard (en décembre 1877), Pasteur s’attribua l’honneur d’avoir trouvé la cause parasitaire de la maladie. Il obtint de nombreuses récompenses financières pour des découvertes faites par Béchamp et Estor64.
 
En août 1881, Pasteur et Béchamp se retrouvèrent à Londres pour un congrès médical international. Devant les participants et les journalistes, Pasteur attaqua Béchamp et l’accusa de croire aux « générations spontanées », ce qui est faux : Béchamp avait toujours soutenu le caractère parasitaire de la pébrine contre Pasteur qui prétendait que ces corpuscules naissaient spontanément dans le corps des vers à soie.
 
Béchamp parla devant l’assemblée des scientifiques mais n’eut pas l’occasion de se défendre devant Pasteur qui quitta l’assemblée. Pour répondre à Pasteur, il rédigea un nouvel ouvrage Les Microzymas, publié en 1883.
 
En raison de tout l'historique précis tiré des Comptes rendus de l'Académie des sciences, plusieurs auteurs66 ont trouvé qu’il y a eu, dans le chef de Pasteur, falsification de l’histoire médicale et plagiat de la découverte de l’agent étiologique des maladies des vers à soie.
 
C’est donc Béchamp qui a véritablement trouvé l’agent étiologique de la pébrine et en a, de plus, proposé un traitement curatif. Il ne reçut ni subvention ni récompense pour son travail de chercheur.
 
La synthèse des colorants et l'atoxyl
 
Ses recherches le conduisent à la découverte d'une méthode nouvelle et économique de production de l'aniline. Alors que le chimiste allemand August Wilhelm von Hofmann produit déjà de l'aniline en soumettant une mixture de nitrobenzène et d'alcool à la réduction par l'action de l'acide chlorhydrique et du zinc, Béchamp montre, en 1852, que l'emploi de l'alcool n'est pas nécessaire, que le zinc peut être remplacé par le fer, et l'acide chlorhydrique par l'acide acétique, ce qui permet de réduire les coûts de production industrielle de l'aniline.
 
La maison Renard de Lyon entend parler de la découverte de Béchamp, elle s'adresse à lui et, avec son aide, elle réussit à produire de manière économique la fuchsine (autrement dit le magenta) et ses variétés. Le seul profit que Béchamp tire de sa découverte est de recevoir, une dizaine années plus tard, une médaille d'or décernée par la Société industrielle de Mulhouse.
 
En 1859, par réaction chimique entre l'aniline et l'acide arsénique (métarsénite d'acétanilide), Béchamp synthétise l'arsanilate de sodium ; il nomme ce composé « atoxyl » par référence à la relative faiblesse de sa toxicité comparée à celle de l'arsenic. L'atoxyl est alors utilisé dans le traitement des maladies de la peau et de la maladie du sommeil. Mais il reste très toxique et n'agit pas sur tous les tréponèmes. Cinquante ans plus tard, cherchant à améliorer l'atoxyl, Paul Ehrlich étudie plus de six cents arsénobenzènes dérivés et, avec Sahachiro Hata, il aboutit en 1909 à la découverte du Salvarsan. Ce produit, le premier enfin réellement efficace contre la syphilis et la maladie du sommeil, marque une étape essentielle dans le développement de la chimie thérapeutique67.
 
Les ferments solubles (ou diastases, ou enzymes) : prétendue priorité de Béchamp sur Buchner[modifier]
 
Dans un mémoire publié en 185868, Béchamp soutient69 que l'interversion du sucre de canne, quand on l'obtient sans l'aide de la levure, n'a pas pour cause le simple contact avec l'eau, mais bien les moisissures, dont d'autres observateurs avaient noté avant lui la présence concomitante au phénomène. Il assimile70 cette action des moisissures à celle de la diastase, un des « ferments solubles » (enzymes) connus à l'époque.
 
Plus tard, dans un livre publié en 188371, Béchamp relatera comme suit des réflexions et des expériences qu'il aurait faites en 1857, après être venu, comme dit plus haut, à l'idée que l'action des moisissures était assimilable à celle de la diastase : « Mais la diastase est ce que l'on nomme un ferment soluble; or les moisissures, en tant qu'organisées, sont insolubles : si elles agissent par un ferment soluble, celui-ci doit être excrété par elles et tout formé en elles. Il résultait de cette remarque que l'organisme des moisissures étant détruit, elles n'en agiraient pas moins si vraiment le ferment soluble était tout formé dans leur tissu. Dans ces sortes d'expériences, la quantité de moisissure formée étant peu considérable, voici comment j'opérais : La moisissure, bien lavée et égouttée, était broyée avec une quantité environ vingt fois plus grande de sucre de canne solide, de façon à déchirer son tissu : de cette manière les produits solubles de la matière organisée s'imbibaient dans le sucre. (...) bientôt, on pouvait constater le commencement de l'interversion (...). La démonstration, je l'ai alors généralisée, en démontrant que les moisissures qui naissent dans le sucre et dans certaines fermentations, la levûre de bière elle-même, qui est aussi une moisissure, sont dans le même cas. » (Note : la levure de bière est considérée ici dans son effet d'interversion du sucre de canne, et non de fermentation.) Béchamp, dans le même livre72, dit qu'il appela zymase le « ferment soluble » qu'il avait ainsi découvert.
 
Même si on s'en tient à l'époque où Béchamp publia ces expériences (1883) et non à celle où il dit les avoir faites (1857), elles peuvent sembler préfigurer celles que Buchnner publiera en 1897. Des auteurs comme Philippe Decourt73 et Milton Wainwright74 en concluent ou semblent en conclure que Buchner usurpe une gloire qui revient à Béchamp.
 
Il faut toutefois noter que ce que Buchner obtenait à partir de la « zymase75 » de la levure, et en l'absence de la levure elle-même, c'était la fermentation alcoolique76. Or Béchamp dit explicitement que la « zymase » qu'il extrait de la levure produit l'interversion du sucre de canne, mais non la fermentation alcoolique. Après avoir distingué entre les deux fonctions : « Comme ferment, la levûre possède donc deux fonctions : celle d'intervertir le sucre de canne et celle de produire l'alcool. Ces deux phénomènes sont-ils du même ordre ? » et rappelé que la « zymase » de la levure peut à elle seule intervertir le sucre de canne, il ajoute : « Or, on peut laisser la zymase en contact avec le sucre, aussi longtemps qu'on le veut, sans qu'il se forme aucune trace d'alcool, ou se manifeste aucun indice de fermentation »77. Buchner a donc réussi, notamment par l'addition de kieselguhr (tripoli) et l'usage d'une presse hydraulique78, là où Béchamp avait échoué.
 
Ce que Béchamp appelait «zymase» n'était pas le complexe enzymatique auquel Buchner donnerait le même nom, mais l'invertase79.
 

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